Des mots pour me dire

Une décision prise chaque matin : se poser devant la toile. Le travail a commencé bien avant. Avant de peindre il lui a fallu ranger, pousser des objets, du matériel, des châssis et des toiles, qu’elle commande et achète. C’est une entreprise, c’est son métier.

Elle a disposé son matériel, capté la lumière. Cette préparation permet une improvisation calculée et savante. Alors elle se tient devant la toile, à hauteur d’œil elle suit les tracés du dessin et la structure générale. Seule souvent, en musique toujours .Tout a été fait sans cesser de penser, d’imaginer. Peindre est une opération mentale qui gouverne le geste dirige les élans. La toile en retiendra les images en surface.

Libres penséesTenue à son ouvrage agitée, concentrée en ouvrière rêveuse. L’experte s’abandonne à l’œuvre. La magie opère. Pas de révélation. Comment lui est venu ce goût de l’enchantement ? Secret de peintre.

Peindre suppose de l’habileté, de la virtuosité. Le goût de la lumière, l’amour de la matière. Des images qui la hantent et la sollicitent.

Le monde vient, elle lui doit une fervente attention. En ce moment précis le singulier bouscule et renouvelle l’humain. La surface est travaillée sur un plan unique dans un mouvement continu. La ligne brisée relie les objets et les formes. Recensement du monde.

Sur la toile, les objets de l’intime, tables, chaises, fleurs, arbres. Le dessin, outil de connaissance du monde confirmée par la présence de signes. Au cœur de ce foisonnement de couleurs, quelques silhouettes, en procession inquiétante. Le monde est peuplé de nos émerveillements, de nos peurs. Tant de rouge, du mauve, et des rehauts jaunes. Les couleurs se répondent. Jardin clos fleuri et boisé. Eden refuge des enfances et des âges lourds. On s’y retrouve paisible en attente des bouleversements. Un séjour placide, une fuite éperdue. Devant la toile nous voilà comme elle comblés, et déroutés.

 

Texte de Marc-Henry Bourgeois

avril 2012